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3.11.2022
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Six mois après sa sortie, le rapport du GIEC a-t-il influencé l’engagement de l’écosystème startup ?
Six mois après sa sortie, le rapport du GIEC a-t-il influencé l’engagement de l’écosystème startup ?
Claire Glemau

Le 4 avril 2022, le troisième et dernier volet du rapport du GIEC sur le climat nous engage à agir collectivement pour limiter le réchauffement climatique. Un sursaut que l’écosystème innovant des startups semble avoir déjà eu, dans un imaginaire collectif. Pourtant, les efforts nécessaires demandés par le GIEC paralyseraient une grande partie de ses acteurs. Entre hésitations et initiatives inspirantes : comment les startups passent-elles aujourd’hui à l’action ?

« Lorsqu’on interroge l’écosystème sur le sujet, on réalise que beaucoup d’actions ont été mises en place (…) mais bien qu’elles soient visibles, leur impact n’est pas toujours à la hauteur des attentes formulées » observe Estelle Delahaye, Responsable de l’Impact à France Digitale. D’après elle, si l’on peine à adopter des schémas plus vertueux, c’est avant tout parce qu’on les connaît mal.

Mise en place de poubelles de tri, sélection consciente des équipements mobiles, nomination d’un référent environnemental au plus haut niveau hiérarchique d’un projet : les initiatives déployées doivent souvent leur performance à la culture d’une startup, plus qu’aux moyens mobilisés pour les développer. Bien choisir ses leviers de transformation et le faire de manière éclairée, c’est aujourd’hui le défi initial des acteurs de l’innovation qui souhaitent interroger leurs pratiques écologiques. 

Selon l’approche choisie, nous avons identifié trois grandes catégories d’acteurs :

  • D’abord, celle des précurseurs, qui interrogent leur Responsabilité Sociale et Environnementale (RSE) de façon systémique, pour tendre vers un modèle plus anti-fragile. Mesure de leur empreinte carbone, nomination d’un « Chief Impact officer » au sein de leur comité exécutif, labellisation… par opportunisme ou conviction, les précurseurs défendent l’idée que le développement durable est un formidable levier d’attraction des talents et un vecteur de nouveaux possibles.
  • Ensuite, celle des catalyseurs. Dans leurs structures, les mesures mises en place prennent racine dans l’engagement significatif de leurs équipes. Les catalyseurs permettent à leurs employés d’augmenter leur impact en faisant de l’entreprise une véritable caisse de résonance. Ici la démarche RSE se construit en bottom-up et un chef de projet dédié s’appuie sur les relais pour transformer les « sides projects » en politique d’entreprise. Réflexion autour de la politique de gestion des déchets, journée de sensibilisation pour toute l’entreprise… des politiques visibles par les collaborateurs depuis leur poste de travail et souvent mises en avant au niveau de la marque employeurs.
  • Enfin celle des observateurs. Une catégorie dans laquelle le sujet écologique n’est pas un tabou mais où des stéréotypes, conscients ou non, demeurent. Conduite du changement complexe, investissements difficiles à absorber, faible engagement de la Direction et du corps social : le manque de ROI évident des actions écologiques et la faible visibilité des ambassadeurs freinent ici le déploiement d’une première feuille de route.

Démêler la communication de l’action concrète 

« Depuis le rapport du GIEC, le sujet n’a pas profondément agité l’écosystème startup » rapporte Estelle Delahaye. Pourtant, si la sortie du rapport n’a généré que très peu d’échanges à forte valeur ajoutée en interne, elle a été une aubaine pour le marketing viral. Des appels à l’action en passant par les questions qui invitent à la discussion : certains — sans doute avec les meilleures intentions — n’ont pas hésité à transformer cette annonce en un levier d’attractivité, pour de nouveaux investisseurs ou de nouveaux talents.

Alors comment démêler cette communication de l'action concrète ? Et qui sont ces « précurseurs » desquels on peut s’inspirer ? Aujourd’hui, pour aborder la question de la RSE de manière satisfaisante et à l’échelle de son projet, quelques pistes sont à considérer : 

  • Dédier une ressource à part entière. « Je suis Workplace & Impact Specialist chez Partoo ; la création de ce post a été un élément déclencheur à l’échelle de la startup (…) c’était la volonté de notre Directeur Général, très engagé sur le sujet de la RSE depuis le début de l’aventure » explique Pauline Mielczarek.
  • Faire un sondage auprès des collaborateurs. Cela peut-être une première étape pour prendre le pouls, collecter les besoins et les envies de chacun. « On touche parfois un sujet sensible et cela peut être contre-productif d’avoir une approche top-down » partage Celia Alessandri qui anime le collectif Women@Partoo, programme de leadership au féminin faisant partie intégrante de la stratégie RSE de cette licorne en devenir.
  • Réaliser un état des lieux global afin de définir les actions prioritaires. Faut-il commencer par estimer son bilan carbone ? Envisager différemment ses sujets sociaux ? Interroger la question de la mobilité durable ? Évaluer le cycle de vie de ses produits ? Se questionner sur l’analyse de la matérialité ? Etc.
  • Représenter ce sujet stratégique au sein de son comité exécutif. Dans une interview accordée à la rédaction de Vendredi*, Kat Borlongan, Chief Impact Officer chez Contentsquare souligne l’importance d’incarner ces enjeux au bon endroit dans l’entreprise : « (…) pour les entreprises dont la raison d’être n’est pas dans l’impact, il y a des questions intéressants à se poser : où est ce qu’ils mettent la RSE ? Sous le marketing ? Sous les RH ? Cela en dit beaucoup sur ce qu’ils font. »
  • Faire évoluer les indicateurs d’impacts pour évaluer la valeur créée autrement et développer un état d’esprit « impact by design »   

Questionner et rationaliser la question écologique pour faire évoluer ses positions graduellement et selon sa propre situation, considérer une labellisation ou toute forme d’achèvement comme un moyen et non comme un objectif : voilà les pistes qu’il faut considérer pour favoriser le développement de dynamiques plus concrètes.

En faire un sujet pragmatique et une opportunité de différenciation dans des secteurs extrêmement concurrentiels — notamment pour augmenter son attractivité auprès des talents — c’est cela qui a permis aux startups à impact de mettre en place des modèles d’action efficaces. À l’image de Contentsquare qui a nommé un CIO et créé la ContSquare Fondation. Ou encore de Payfit, qui a choisi d’engager un expert pour structurer les initiatives engagées par ses salariés à travers leurs projets. Et même Ynsect, dont le co-fondateur et ex-COO est devenu CIO, afin d’enrichir le projet d’une véritable vigilance écologique à chaque étape de la conception des biens et des services.

Qu’elles viennent des strates les plus stratégiques ou qu’elles soient impulsées à l’échelle d’un collaborateur précurseur, les initiatives qui font la genèse des démarches RSE sont multiples et à la portée de chacun. Aussi il n’appartient qu’à nous de nous en saisir et d’en faire de formidables leviers de création de valeur !

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